Naissance du film : Destino est un projet ambitieux, fruit d'une collaboration entre deux hommes : Walt Disney et Salvador Dalí, le surréaliste espagnol.
Dalí et Disney Destino est annoncé pour la première fois en 1946, il est de suite qualifié de bizarre. C'est en réalité un film inspiré des uvres de Dalí, de ses peintures, de ses sculptures, le tout replacé dans un univers Disneyen.
Tout comme
Fantasia, l'ébauche de
Destino commença autour d'un dîner. Walt Disney rencontra Dalí dans une soirée de Jack Warner, à l'époque où le peintre travaillait sur les séances de rêves pour "
La Maison du Docteur Edwards" de Hitchcock (1945).
Cependant, ce n'était apparemment pas leur première rencontre, ils s'étaient déjà croisés, huit ans auparavant lors du premier séjour de Dalí en Californie.
Dalí fut desuite attiré par Disney et ses oeuvres, il le qualifia d'ailleurs de surréalistes américains avec les Marx Brothers ou Cecil B. DeMille.
On retrouve d'ailleurs ce côté surréaliste dans certains animés, comme
Dumbo et la fameuse
Parade des Elephants Roses, ou encore dans certaines créations du dessinateur Ward Kimball pour
Les Trois Caballeros.
A l'origine,
Destino devait être une adaptation d'une ballade de l'auteur-compositeur mexicain Armando Dominguez. Pour Walt c'était une manière de mettre en vedette la chanteuse Dora Luz, qui avait interprété "
You belong to my heart" dans
Les Trois Caballeros (1945).
Le film fut conçu comme un film musical d'après guerre.
Dalí commença a travailler sur le projet dans les studios Disney de Burbank en février 1946, travail qui dura 2 mois, le temps de créer les premiers dessins préliminaires et le storyboard.
Au départ, Disney souhaitait un mélange de prises de vues réelles et de l'animation avec des effets spéciaux, un peu comme
Fantasia (1940) et
Les Trois Caballeros (1945).
Plusieurs scénarios différents furent élaborés, mais tous sur la base d'un homme et d'une femme luttant contre les obstacles extérieurs pour vivre leur amour.
Voici l'introduction d'un des scénarios :
Un ouvrier ou danseur regarde Dalí à son chevalet et lui demande la signification du fameux tableau des montres molles.
Tout comme pour les scénarios, il fut imaginé différentes mises en scènes, toujours au départ basé sur ce principe réel/animation. Ainsi on est passé d'acteurs en chair et os (le danseur étoile André Eglevsky fut d'ailleurs préssenti pour jouer le rôle masculin), à des acteurs d'animations.
Dalí et John Hench (un animateur des studios Disney) travaillèrent ensemble, pour créer un film test de 18 secondes durant lequel on voyait deux têtes déformées, fixées sur des carapaces de tortues, glisser l'une vers l'autre pour se transformer ensuitre en ballerine héroïne avec une balle de base-ball en guise de tête.
Les Têtes déformées sur les carapaces L'arrêt brutal de la production :Cependant, après ce test la production fut arrétée. Personne ne sait réellement pourquoi.
Selon Hench, Disney ne croyait plus à l'avenir des "
Package" (ces "films" composés d'une multitude de dessins animés (avec ou sans prises de vues réelles, comme
Les Trois Caballeros). Pourtant, quelques années plus tard, sortirent
Coquin de Printemps (1947) et
Melody Cocktail (1948).
On a aussi évoqué d'autres possibilités :
- Dalí était devenu trop cher pour Disney. En effet en 1945, c'est la fin de la guerre, et Disney est obligé d'abandonner ses films sur le sujet et donc se remettre à produire des films d'animation.
- La cohabitation entre les deux égos de Dalí et Disney étaient devenue trop pesante. C'était tous les deux des hommes aux caractères bien trempés, qui savaient exactement ce qu'ils voulaient ou ne voulaient pas.
- Ils trouvèrent le film trop choquant, dans le sens où il serait incompris au moment de sa sortie, par les personnes non averties.
Selon Franck Thomas et Ollie Johnston, deux des
Nine Old Men (le groupe d'animateurs Disney créa une bonne partie des chefs d'oeuvre de l'animation), Dalí et Disney s'entendaient bien, mais le film ne prenait pas la tournure qu'ils souhaitaient. Ainsi, ils préfèrent l'abandonner d'un commun accord.
C'est cette raison, qui est sans doute la plus probable.
Dans les années 50, Walt rendit visite à Dalí et lui aurait même proposer de collaborer sur un nouveau film, sur les aventures de Don Quichotte ou du Cid. Cependant aucun projet ne fut réalisé.
Pendant ce temps, les 18 secondes de Destino était projetées dans des festivals et des retrospectives.
Pyramide à l'homme
La Renaissance de Destino :C'est Roy E. Disney, le neveux de Walt, qui bien des années plus tard, allait le finir. L'idée lui vint alors qu'il tournait les prises de vues réelles pour
Fantasia 2000, la suite de
Fantasia. Alors qu'il réalisait une séquence avec Bette Midler, celle-ci évoqua les divers films Disney qui n'avaient jamais été terminés, dont justement
Destino.
Cependant le travail de remettre sur les rails le projet fut difficile car il fallait bien sur faire un film aussi proche que possible de la vision qu'en avaient Walt et Dalí. Pour cela, il demanda de l'aide à Hench qui avait travaillé à l'époque sur le test des 18 secondes, mais cela faisait quand même plus de 50 ans, et il avait du mal à s'en rappeler nettement.
De plus, un grand nombre des dessins réalisés à l'époque avait disparu, volé dans les archives, après l'abandon du film en 1946. Certains purent être récupérés auprès des marchands d'art, mais d'autres qui avaient servis pour le test ne furent jamais retrouvés.
Un autre problème s'en posé pendant cette seconde production, celle du storyboard. En effet, autant le début et la fin était clair, que ce qu'il se passait entre les deux était très fouillis. Il fallut du temps aux animateurs pour parvenir à remettre de l'ordre, et ce grâce entre autre au journal que tenait la femme de Dalí, Gala, dans lequel elle écrivait consciencieusement le déroulement de la production du film.
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Arc en ciel, Femme à tête de poussette les pieds dans les escargots. (Etude préliminaire)
| Femme dans un coquillage en équilibre sur un mur. (Etude préliminaire)
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La production du film commença en 2001 et fut proposée aux Studios de Paris. Pas moins de 25 artistes travaillèrent sur le film durant deux ans, sous la direction de Dominique Monfery.
Le principal défi que les animateurs durent relever fut celui de conserver le style de Dalí dans l'animation. En effet, le plus difficile était de parvenir à insérer un personnage animé dans un environnement peint.
Les artistes essayèrent de prendre le plus possible des idées contenues dans les peintures, pour en utiliser le plus grand nombre, tout en restant compréhensible pour l'execution du dessin animé et son montage.
Pour ce faire, ils utilisèrent les techniques de la fin des années 40, cumulées à l'infographie pour réaliser certains effets. Un modèle en 3D de la Tour de Babel peinte par Dalí fut même réalisée pour accentuer l'idée de profondeur.
Destino est un collage d'images étonnant, il s'agit en fait d'une ballerine qui passe par une série de transformations. Elle devient par exemple l'ombre d'une cloche dans un campanile ou une aigrette de pissenlit.
Ses mouvements évoquent la danse et le base-ball, sujets dont Dalí disait qu'il en était obsédé.
Quand aux fonds, ils représentent les images habituelles de Dalí : perspectives forcées, ruines classiques, globes occulaires, insectes et montres molles.
Cependant, si certaines scènes étaient bien dessinées dans leur totalité, les animateurs durent pour d'autres combler quelques vides. C'est le cas pour la scène de la Tour de Babel et d'Apollon dans laquelle la danseuse chute. Sur les dessins préparatoires de Dalí, il n'y avait rien sur lequel elle puisse tomber, alors les dessinateurs ajoutèrent un sac plein de globes occulaires pour combler cet espace tout en restant dans l'esprit "Dalí".
La Scène de la Tour de Babel et d'Apollon. Les Récompenses :A la sortie de le version finale de
Destino, celui-ci fut primé au
Festival Internationnal d'animation d'Annecy en juin 2003. Il remporta aussi des prix aux festivals de Melbourne et New York, et reçu une nommination aux
Oscars.
Il fut par la suite présenté pour l'exposition "
Dalí et la culture de masse", puis à celle du Grand Palais à Paris en 2006-2007 "
Il était une fois Walt Disney, Aux sources de l'Art des Studios Disney".
Walt Disney, un Homme Audacieux (Conclusion) :Disney fut très audacieux en ayant l'idée de créer
Destino, qui était un film très différent de tout ce qu'il avait jamais produit. Il aimait sortir des sentier battus, comme il l'avait déjà fait avec
Fantasia, même si cela lui valait d'être par la suite descendu par la critique.
Quelques dessins :
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L'héroïne face à une statue de femme dont la tête s'effrite
| Tête de Chronos
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Telephone blanc et ruines | Amphithéatre rose avec deux arbres |